Extrait :
Auparavant je voudrais encore mentionner que d’aller au lit, de même que de me lever tôt le matin, me procurait la plus grande joie. Quand il faisait beau, ma chambre était remplie à ras bord de rayons de soleil où je pouvais me baigner à cœur de joie. Chaque jour j’accomplissais dans la montagne toute proche un trajet plus ou moins long et c’est là, dans les hauteurs fantastiques de la forêt, que je fis un jour connaissance de l’étrange créature féminine dont je viens de parler.
C’était le soir ; je suivais mon chemin, absorbé par toutes sortes de pensées, tandis que le soleil couchant jetait une braise dorée sur un fond vert, merveilleusement profond, éclatant de jeunesse et de santé, lorsque tout à coup une femme de haute stature, qu’une avancée de fourrés avait jusque-là cachée, surgit tout près devant moi.
[…]
« Je m’appelle Marie et je suis originaire de l’Emmental. J’ai tôt perdu mon père et ma mère, et je me retrouvai, encore enfant, dans des mains étrangères. J’étais une bonne travailleuse ; car je suis forte. Bientôt tout ce que je voyais et entendais me parut froid, étranger et petit. Ce que les gens appellent la vie, je ne l’ai jamais compris. Leurs petites larmes et leur petit rire me devinrent toujours plus étrangers, toujours plus incompréhensibles. Je n’avais aucune part à leurs joies brusques ; je ne comprenais pas leurs souffrances.