Extrait :
(Il se dirige vers la salle de bains. Au passage allume la radio :) « …z’avons bon espoir. Les indications les plus récentes sur l’évolution de la conjoncture confirment à l’heure actuelle le caractère favorable des tendances. » Niemand soll hunggrig oder kalt sein ; jeder Ubertreter wird zu Konzebtrationslager gehen.
(Il est maintenant debout dans la baignoire. Il attrape un linge sur le porte-serviettes ; l’accroche à l’étendoir. Crie :) Au grand foc ! Cap sur le royaume d’amour -- (la radio :) Niemand soll hunggrig oder kalt sein ; jeder Ubertreter wird zu Konzebtrationslager gehen. (Il déclame :) Pas se laisser aller à vau-l’eau !
(Chante :)
Ah qu’il est doux de chier dans l’eau !
ON voit sa merde qui na-a-ge ;
Si j’avais su qu’c’était si beau
J’en aurais fait davanta-a-ge
[…]
Bon imitateur, bon plagiaire, bon citoyen, bon père, bon élève, bon employé malgré les apparences, bon cadre moyen comme tout bon Français qui se respecte et qui joue au patron (obsédé du pouvoir) ---------------------- et qui tente d’emmerder les autres, faisant profession de foi de les défendre ; beaucoup de talent en somme, un écrivain quoi ! engagé, même.
(Trace lentement de l’index une spire sur la surface de l’eau ( : glaouaouaaouaglofglofglof…) : ) Donner une dimension politique à notre œuvre éphémère : cette gidouille doit être la représentation sonore de la spirale des salaires et des prix : les premiers prennent l’escalier, les seconds montent par l’ascenseur !
Moi, je veux bien monter sur les barricades pour défendre la grasse matinée (ici une virgule) mais pas avant midi (point) Apprécie de plus en plus les gens qui ne font rien et qui comprennent tout (point) Explications (deux points) X --- quoi X (ici un truc vertical tordu avec un goutte au-dessous)…
Se détachant de la saleté fuir la mort dans le dormir – (somnoler / avec sa douleur, recroquevillé autour d’elle, doucement).
Tiens-toi la main.
Apprendre à faire corps avec la maladie comme avec son travail.
[…]
HOPITAL Silence. Service spécial pour rééducation de la parole) . Etre là, entre les pattes des pontes de la phoniatrie - . L’un d’eux a inventé un appareil servant , après extirpation du larynx , à remplacer l’organe perdu et à rendre une sorte de voix. Cet engin est fait d’une canule à trachéotomie de forme particulière (secret !) dans laquelle vient s’emboîter une autre canule portant des languettes destinées à vibrer sous l’action de l’air, du souffle, et ainsi à remplacer les cordes vocales. Du point de vue du rendement phonétique, ce truc n’est pas mal du tout. La voix est émise assez facilement – il faut cependant pousser un bon coup – avec un timbre qui rappellerait celle de Polichinelle. « Mais ici on ne vient pas pour se préparer à entrer au Conservatoire », dit le professeur Machin avec esprit et justesse. L’inconvénient d’un pareil appareil est qu’il ne peut être toléré longtemps en raison de l’engorgement facile par les mucosités… Mieux vaut apprendre également à parler avec le ventre
Est-ce du lard ou du cochon, de la poésie ou de la prose ? C’est du roman ! Mais en musique ma petite Dame ! Du Roman avec un grrand R, qui se donne des airs (¯) de Maurice car monsieur Roche en plus d’être poaite connait bien la musique, alors ça swing.
Les mots chez Maurice sont des trompettes, des flutiaux, des caisses claires, il en lâche même des caisses le gars, la source est intarissable. Et tout ça doit s’arranger pour faire une histoire, alors il arrange, il pousse, il greffe, il bricole une sorte de formidable gloubi-boulga littéraire, polyphonie magique d’une harmonie folle et pourtant anatomie d’une réalité sensible. Mais la folie réelle ne serait pas plutôt de faire croire à un monde épuré où tout ce focalise autour d’une idée centrale, où les héros ne vont jamais au WC, où le style est contenu dans un paradigme redéfinit tous les vingt ou cinquante ans, où peu du ressenti, du phénomène réel ne transparaît vraiment. C’est du roman car on vit dans le corps d’une histoire, répondant à l’invitation de parcourir en un autre soi un chemin qu’un auteur a planté de vie.
Cette vie est celle de personnages à la limite de la probabilité, à la dérive d’un monde qui les charrie, Roche s’est voulu sismographe. L’humour noir qui ne quittera jamais Maurice frôle ici la douche froide, il décrit une civilisation qui fait un retour sur sa mémoire avant de la perdre à jamais. Vies collectives qui inspirent le cynisme de chacun, vie de l’homme où se perdent les repères, les fois, la raison et même le désir de vivre. Résonances mortifères qui pourtant semblent s’entrechoquer à la surface d’une vie qui malgré son absurdité, malgré son incohérence nous fournis des formes de résistances : la dérision comme retranchement, le rêve comme échappement. Quand la vie biologique se ruine en la contamination du collectif en une sorte de peste ou de choléra, reste la vie de l’individu en sa culture salvatrice, Henri Meschonic disait que « le roman était le cancer de la littérature », ici il y a l’exposition du remède, un remède réservé mais possible. Ainsi il y a une culture de la rareté, a-collective, élitaire, exception au pays de l’exception et ainsi exceptionnelle et donc primordiale, humour noir et humeur de l’exorcisme.