Extrait :
VII
Plume avait mal au doigt
Plume avait un peu mal au doigt.
- Il vaudrait peut-être mieux consulter un médecin, lui dit sa femme. Il suffit souvent d’une pommade…
Et Plume y alla.
- Un doigt à couper, dit le chirurgien, c’est parfait. Avec l’anesthésie, vous en avez pour six minutes tout au plus. Comme vous êtes riche, vous n’avez pas besoin de tant de doigts. Je serai ravi de vous faire cette petite opération. Je vous montrerai ensuite quelques modèles de doigts artificiels. Il y en a d’extrêmement gracieux. Un peu chers sans doute. Mais il n’est pas question naturellement de regarder à la dépense. Nous vous ferons ce qu’il y a de mieux.
Plume regarda mélancoliquement son doigt et s’excusa.
- Docteur, c’est l’index, vous savez, un doigt bien utile. Justement, je devais écrire encore à ma mère. Je me sers toujours de l’index pour écrire. Ma mère serait inquiète si je tardais davantage à lui écrire, je reviendrai dans quelques jours. C’est une femme très sensible, elle s’émeut facilement.
- Qu’à cela ne tienne, lui dit le chirurgien, voici du papier, du papier blanc, sans en-tête naturellement. Quelques mots bien sentis de votre part lui rendront la joie.
[…]
- Tu aurais quand même pu me demander mon avis, dit la femme de Plume à son mari.
Ne va pas t’imaginer qu’un doigt perdu se retrouve facilement.
Un homme avec des moignons, je n’aime pas beaucoup ça. Dès que ta main sera un peu trop dégarnie, ne compte plus sur moi.
Les infirmes c’est méchant, ça devient promptement sadique. Mais moi je n’ai pas été élevée pour vivre avec un sadique. Tu t’es figuré sans doute que je t’aiderais bénévolement dans ces choses-là. Eh bien, tu t’es trompé, tu aurais mieux fait d’y réfléchir avant.