Extrait :
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Je ne peux plus – avec la cruauté
que celui qui aime ne pardonne pas à celui qui l’aime –
mais que le monde comprend – vous obliger
à choisir : elle ou moi. De fait, désormais
vous avez choisi. Inexplicablement je ressens
une pitié pour votre nouvelle vie : mon âme peut-être
aveuglée mais rusée, a inversé les rôles
et se tourmente pour vous, pour votre liberté,
et non pour elle-même. Il est vrai
que vous êtes, et que vous vous sentez inférieur
à cette liberté, vous pauvre homme du ciel.
Mais ce qui vous attend est l’univers
pour lequel vous étiez né : et dans vos yeux ignorants
on voit que vous ne pouvez, impunément, l’avoir perdu.
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Il y avait dans le monde – personne ne le savait –
une chose qui n’avait pas de prix,
et qui était unique : aucun Etat ni Eglise ne pouvait
la classifier. Elle était sur le chemin de la vie
en plein milieu, et ne pouvait être comparée
qu’à elle-même. Elle n’eut pendant longtemps
aucune valeur d’échange, puis elle occupa
toute ma réalité : c’était ta gaieté.
Ce bien tu l’as détruit de ta propre volonté ;
petit à petit, avec tes seules mains ;
gaiement ; il t’en est resté
un fond inaliénable : mais le pourquoi
d’une fureur pareille dans ton âme contre
notre amour aussi chaste m’échappe.