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RÉSUMÉ


CONFIANCE (?)


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VOS COMMENTAIRES

 


AUTEUR

Sébastien Cochelin

Nicolas Lossec

 

MattaRoberto Matta

Discussion Expérience / Expériences

S.B.:

Sans vouloir jouer les Derrida du dimanche, il y a vraiment deux façons de comprendre le mot expérience aujourd’hui, deux façons qui reflètent des conceptions bien différentes de notre rapport à l’art et à la vie.
Les mots se galvaudent, perdent leur place, leur sens. Je remarquais dans la bouche d’élus municipaux de gauche parisiens le mot « citoyen » et ses déclinaisons : « actions citoyenne, geste citoyen » pour remplacer le mot « devoir » et le décliner à toutes les sauces. Problème : là se ramollie toute réalité, on ne fait plus les choses par devoir ni même par citoyenneté (mot trop long, trop grave) mais par allégeance au concept nouveau, fun, cool, tiptop de « l’acte citoyen ».
Autre concept tiptop donc celui de faire des expériences et c’est là que j’aimerais proposer une singulière position celle de mettre l’expérience au singulier, passer de l’être « dans des expériences » à l’avoir « de l’expérience ». On a su galvauder aussi ce terme d’expérience refusant son caractère unique et indispensable par la pose de son pluriel. On a craint d’offusquer le vulgum pecus et une paranoïa du non dit sévit et empêche toute expression évoquant un passage essentiel, un rite initiatique obligé : L’expérience est supprimée et le gueux est heureux : il peut être psychanalyste sans Freud, Chrétien sans Jésus, communiste sans marx, philosophe moderne avec quatre bribes de Platon et deux de Nietzche en omettant ce cher vingtième siècle. Mais avec l’Expérience là, effectivement, on ne rigole plus. C’est bien « en avoir ou pas » qui est en jeu et si l’on veut faire des expérience après avoir su conscientiser la nécessité de l’Expérience, de la fin comme être expérimenté, de se retirer du niais pour devenir cet homme de l’expérience avec un savoir avec un vécu, on peu revenir au désir des expériences esthétiques celles qui à l’instar de celles des scientifiques qui taquinent leurs fioles avec acharnement, nous proposent la tentative de détenir l’insaisissable et plus.

C’est avec ces expériences qui sont des plongées dans le prisme de la pensée et qui ne se contentent pas de l’exploration stupide de la surface des consommables littéraires ou picturaux proposés par les médias, ce n’est pas non plus l’élévation suprême du « no logo », de croire que parce que ce n’est pas connu … c’est très bon (ce serait très idiot plutôt). La pensée est une arme est une « pansée » de l’expérience personnelle, elle a ses luttes qui au final se repose en expériences.  Il y a l’Expérience résultante d’expériences mais sans désir de celle-là, celles-ci sont vaines.


N.L.:

Il n'est pas vain de distinguer différentes nuances dans les termes d' "Expérience" et "des expériences". Par contre, je ne pense pas qu'il y ait de galvaudage; il faut dabord distinguer les deux sens commun du mot lui-même : c'est en premier lieu le fait d'acquerir (volontairement ou non) la connaissance - par les sens, l'intelligence, ou les deux - des êtres et des choses par leur pratique. C'est aussi, dans un contexte plus scientifique, mais aussi plus conscientisé, une épreuve destinée à vérifier des hypothèses ou à étudier des phénomènes.

Il ne faut donc pas voir plus loin dans l'idée d'expérience que le bénéfice tiré de la confrontation au réel, même si on conçoit facilement un concept d'Expérience plus large, celle du sage. Or c'est sur ce dernier concept, plus philosophique qu'autre chose, que tu mets l'accent. Reste à le definir. L'Expérience avec un grand "e", serait plus que la somme des expériences vécues, plus que leur analyse et leur synthèse ? Il s'agirait de la conscientiser, de l'orienter avant même de la construire ? Je ne crois pas que cela soit possible, c'est pourquoi je pense que le terme n'est pas du tout galvaudé.

Extrait de "Eloge de la folie" XXIX, d'Erasme :
"Puisque le bon sens tient à l'expérience, l'honneur en doit-il revenir au sage qui n'entreprend rien, ou au fou qui est exempt de modestie et ne saurait être timide, puisque le danger n'est pas connu de lui ?
Le sage se réfugie dans les livres des Anciens et n'y apprend que de froides abstractions; le fou, en abordant les réalités et les périls, acquiert à mon avis le bon sens."

Maintenant il s'agit de mesurer un concept aussi fluide en soulignant qu'il est important de ne pas adopter de position empiriste et en admetant que la raison puisse jouer un grand rôle dans le processus de la connaissance.
Chaque expérience est bonne à prendre d'après moi, surtout si elle est dans une certaine mesure "choisie", c'est à dire si elle est perçue comme telle et reçue de manière positive (j'ai pas dit positiviste).
Un viol ne sera bien évidemment pas une bonne expérience, et lire un Marc Lévy recommandé par "Elle" sera peut-être une expérience décevante, mais les deux formeront des constituantes de l'Expérience. Certaines nous sont imposées et nous sommes libre de choisir les autres. Seuls l'inaction et l'enfermement me semble à éviter. Quant au jugement de valeur des expériences elles-mêmes, je laisse la parole encore une fois à ce cher Erasme :

"Invitez un sage à dîner, il est votre trouble-fête par son morne silence ou ses dissertations assomantes. Conviez-le à danser, vous diriez que c'est un chameau qui se trémousse. Entraînez-le au spectacle, son visage suffira à glacer le public qui s'amuse, et on l'obligera à sortir de la salle, comme on fit au sage Caton pour n'avoir pu quittez son air renfrogné.
Survient-il dans une causerie, c'est l'arrivée du loup de la fable.[...] Cette séparation totale des autres esprits engendre contre lui la haine. Tout, e, effet, chez les hommes, ne se fait-il pas selon la Folie, par des fous, chez des fous ? Celui qui va contre le sentiment général n'a qu'à imiter Timon et à gagner le désert pour y jouir solitairement de sa sagesse."
"Eloge de la folie" XXV.


S.C.:

Tout cela est un peu une question de politique, voir mystique, c'est à dire accepter que quelquechose vous soit antérieur, voir même, que quelque chose vous soit supérieur.
Quand à Erasme c'est un peu l'argument d'autorité pour se permettre de ne pas se laisser juger par ceux qui ont pris la peine d'étudier, dire que tout se vaut, que Marc Levy c'est très bien etc...

Effectivement ici c'est un peu la droite (mais au diable la mollesse une bonne droite ça fait toujours du bien à donner): on parle de valeurs à transmettre, et d'une Experience véritable qui surpasse et éclaire les petites et qui nous demande un engagement certain, une véritable passion, un investissement. La seule chose qu'il faut faire quand on ne s'est pas engagé, c'est d'accepter le petit, accepter de se savoir marginal.


N.L.:

Ah voilà ! Tu craches le morceau ! Ca serait politique, voir même mystique !
Je ne parlerais pas du côté mystique, ce sont tes convictions personnelles, et je suis d’accord pour placer la politique comme préoccupation principale pour une vie sociétaire ; pourtant il ne s’agit pas ici d’appréhender des affaires d’Etat, ni de sauver son âme. Il n’y a donc pas de valeurs à transmettre.
Les expériences que nous présentons sur ce site visent simplement à alimenter notre propre esthétique, dans une optique d’ouverture et de compréhension du monde réel. Ce ne sont certes pas simplement des « jeux esthétiques », car elles impliquent des retombées culturelles qui nous changent.
Ces « petites expériences » te sembleront peut-être futiles ou peu utilitaires et tu seras sans doute agacé par cette débauche d’énergie, mais je t’invite à n’y voir aucun maniérisme abscons, juste un élan vers l’éveil des sens.

Mon billet précèdent ne visait pas la démonstration. Il n’y a donc dans les citations d’Erasme aucunes garanties d’autorité : juste un à propos séduisant dont j’avais l’opportunité de te faire parvenir.
Il va de soi que si j’avais voulu trouver des référents philosophiques qui soient de la qualité de l’érudition de mon interlocuteur, je n’aurais pas choisi cet ouvrage distrayant mais mineur…

Ce site à volonté de présenter des découvertes claires et engageantes ; laissons la politique et le mysticisme embrouiller d’autres sphères entoilées…


S.C.:

"- Donc il n'y a pas de valeurs à transmettre!" N.Lossec 29.06.06

Crise de l'université, crise de l'éducation, crise de la transmission des valeurs, aculturation des masses...
Hors même de la dimension politique, je pense que ma voix est celle de ceux qui ont un devoir de transmission, un amour pour les hommes qui ont fait de ce pays un grand pays, mais qui ont aussi une culture européenne assumée, qui ont vu un centième de ce qu'une grande civilisation a pu donner et qui se sentent seuls comme ces derniers dodos, comme l'ourse Cannelle ou bibi phoque car ils voient bien qu'ils sont rares ceux qui acceptent la responsabilité de la transmission et que l'esprit qui a fait de nous des hommes est en train de disparaître et que les pages perdues et les musiques non jouées seront bien plus dures à restaurer que nos vieilles cathédrales, que nos idoles d'autrefois.
Ainsi tout ceci ne serait qu'un cri, un cri d'un poète plus qu'un débat d'idéeologue froid car l'Experience réelle c'est pour moi d'avoir vu l'horizon de cette France, de cette Europe, de ce Monde de la pensée d'hier et de naguère, respirant la beauté de ces éthers et concluant ainsi: "OUi à travers ces visages j'ai aimé"

Nb: comme les affaires font pchittt, et comme Jospin se retira définitivement de la vie politique, c'est mon dernier mot Jean-Pierre.

bas©EX-ES 2007 end