Omneros (Algérie, 1975, ≈150p)
de Mohammed Dib

Extrait :

archée

            lenteur pour occuper le creux
            faim pour excéder l’étendue
           
            et apprentissage indolore
            pour longer l’immobilité

            pour unir comme gisement
            cette fourrure de temps d’eau

évidence de l’être

            dans le matin blanchi c’est elle
            presque aussi haute qu’une flamme
            c’est l’eau entrée sans autre objet
            et rassemblant tout ce qui tremble

            puis aile émondée sur la vie
            quelques mouvements l’eau sans plus
            mais sans autre raison menant
            ce feu fuyant c’est l’eau partie

            l’eau cette noise répandue
            cette détresse d’oliviers
            l’eau cette aveugle canicule
            comme un embrasement d’abeilles

parages

            ce vantail cette fatigue
            entre des mains ruineuses

            occupant à la fin
            plus de chaux que d’espace

 

Omneros. Car l’amour pour tous (omnes) s’expose ici en un tout-amour produit d’avatars, de tous à tout, l’espace et l’interrogation contenus s’offrent dans le chacun. Croisements de langues chez le poète Algérien en exil en France en quête de resurgissements. Amours qui vont à la source des chambres glisser dans la mousse à la quête de ce qui reste de fraîcheur, amours se perdant dans l’ellipse des chaleurs, exposition du désir, aveu de fatigue dans le forfait, hymne à l’obscurité rayonnante, immobilité en la suspension de l’énigme, publication de l’omise : telles sont les propositions du poète. Ainsi se conjuguent l’Eros en eros crypte, eros mer, eros terre, eroslude, omneros, thanateros et plus noir eros. La poésie à pour mission de poser des énigmes, de se faire obscurité pour inviter à l’élucidation d’une hallucination qui se sait porteuse de vérité, religion de l’homme c’est en cela que Mohammed est son prophète. A travers ces ombres il refuse la sous/mission et déchire le voile de la femme en une unique violence, la confusion des iniquités par l’absolution des ombres. A chaque page l’expérience d’un vent sur la poussière des écarts, les mots sont des aimants qu’attirent les images de la fièvre épongée par les linges qu’écartent les corps sur un lit de souffles. Reste en notre bouche une étrange saveur, ces mots de notre parler élevé en terre étrangère que l’auteur nous dévoile comme trahissant la nostalgie d’une autre langue, langue qui n’existe sûrement pas, ou n’existerait qu’à l’état virtuel. De Tous à tout, Omneros. Il faut de même refuser cette idée et les lire comme des poèmes d’amour et plus littéralement de l’acte d’amour.